lundi, août 25, 2008

Journal de Bord Liban. Bribes de ville













Les murs de ma ville sont invariablement cassés. Aucune ville libanaise ne porte des murs lisses que lisses. Et s'ils ne sont pas cassés, ils sont ébréchés, ou cabossés, ou alors peints ou bien sales. Et ils en deviennent d'une insoutenable beauté. Ah tiens, te revoilà Samir, collé partout sur ce mur qui a témoigné de ton assassinat. C'était là, tout à coté que ta voiture a explosé, t' entrainant dans cette sanglante mort. Et là encore, le nouveau président, à l'image déjà déchirée, aussi insipide qu'un mur neuf. Les généraux sont fait pour diriger des armées et non pas pour gérer des pays. Et pourtant, pourtant les murs de ma ville portent tous ces stigmates, héroïquement, sans ciller, sans dire un mort. Seulement, il se cassent un peu plus, vieillissent un peu plus, se taisent un peu plus et s'écaillent pour essayer de s'ébrouer.

Journal de Bord Liban. Un conte pour chaque jour











Et un jour pour chaque conte de l'année, puisque ma vie est une histoire, et mon histoire, une parmi toutes ces autres...

Journal de Bord Liban. Et encore je les aurais dessinés












Et encore aujourd'hui, je crois bien que j'aurais esquissé ces mêmes lignes, sorties d'un imaginaire primaire et incohérent, de l'esprit d'une adolescente rebelle. lignes sans perspectives, sans profondeur, sans mise en abime, sans mise en relief, sans tons sans couleurs et si enfantines.

dimanche, août 24, 2008

Journal de Bord Liban. Extraits 2





















Je les ai mangés durant ces années, ces petits fruits rouges non identifiées. J'ai encore un énorme plaisir à les cueillir à la sauvette dès que je peux et mordre dedans, sans les laver et retrouver sous ma langue toute la douceur et l'acidité d'une enfance sous les bombes, mais d'une enfance protégée bohème, stricte et rêveuse, pleine d'amour et de tourments.

Journal de Bord Liban. Extraits































Ma mère est une adolescente dont la photo traine au gré de ses journées d'adulte. C'est une jeune femme que je n'ai pas connue mais qui a l'air très heureuse, le buste en avant vers la vie. Il y a beaucoup à apprendre des vieilles photos, tel le sourire ambitieux de mes jeunes parents mariés, le sourire heureux mais conventionnel des photos de mariage, ces mêmes parents qui ce matin encore riaient à gorge déployée, 29 ans plus tard, leur sourire n'ayant pris aucune ride.
J'ai revisité mon antre, caché au fond de mon village natal et entre les murs de pierre, j'ai aimé ces images d'un autre temps. La rose de mon premier projet de photo Noir et Blanc à la fac, la photo de mariage d'un vieux vague cousin que je n'ai jamais connu, une reproduction photographique d'une toile quelconque et cette impression d'avoir fait d'une cave, un lieu où il fait bon y passer du temps.

Journal de Bord Liban. L'homme qui regarde Beyrouth



















Il est désormais éternellement assis, nonchalant, souriant, sous son arbre aux branches déployées. Il regarde la rue principale qui mène au cœur du centre ville. Il a la regarde assis au pied de son lieu de travail. Il la regarde qui change, qui passe sans bouger. Il regarde. pense t-il encore??? Je me suis assise à ses cotés, perplexe en essayant de regarder pour quelques minutes ce que lui regardera pour l'éternité. Je n'ai vu qu'une rue blanche sous la lumière d'été. Je me suis assise et je n'ai rien dit. Les statues ne communiquent pas par les mots. Je lui ai un peu tenu la main. Que faire???? Un énième discours pour la commémoration de son assassinat en juin prochain? un énième article sur ses visions et le travail que nous devons faire dans ce pays pour honorer ses rêves démocratiques? Je ne savais pas du tout quoi faire.Alors je lui ai dit au revoir, j'ai lâché sa main froide de statue, je lui ai promis de faire quand même et puis de repasser dire bonjour l'année prochaine. Et je suis partie, le dos face à Beyrouth et le visage face à la mer.

lundi, août 18, 2008

Journal de Bord Liban. Jour 25: 15 Aout



















Les réveils après les nuits torrides sont souvent amers. ils ont un gout d'inachevé. un gout de solitude. une euphorie qui tombe et on a alors l'impression de ne plus être les rois et reines. La lumière du matin est trop blanches et nos rêves alors se brulent. les paillettes ne brillent plus, les yeux ne chavirent plus et on se demande à quoi bon?
Alors pour changer, j'ai pris mon troisième œil et pour la première fois en 25 jours, je me suis offerte une virée solitaire dans le centre ville de Beyrouth. Je me suis garée et j'ai marché. Doucement comme quand on visite une vieille amie. Ce centre ville refait et déjà tourmenté. On m'avait tellement de fois parlé du Balad, celui d'avant la guerre, sa vie, son dynamisme, son souk, ses cabaret et sa popularité. Un écho, meme pas une image. Moi le centre ville que je connais, est un espace détruit qui du jour au lendemain a été reconstruit d'une manière tellement violence que la mémoire en fut assassinée. la place fut cédée à des lieux sans ame, sans histoire ni histoires. Le centre ville était devenu un souk d'un autre genre. En marchant sur les pavés, j'ai pensé aux morts enterrés là dessous, j'ai pensé au vestiges archéologiques que la fureur de l'économie libérale a préféré garder enfouis. J'ai pensé à Mars 2005 lorsque le peuple a investi la Place des Martyrs, ce moment quand les politiciens n'avaient pas encore récupéré l'action. Puis j'ai pensé au Sit In du Hezbollah. Aujourd'hui le centre ville était encore plus Mort/vivant qu'il ne l'a jamais été. Il a gagné en saleté mais pas en ancienneté.
J'ai revisité les murs du Grand théatre. il est toujours fermé. On peut voir à travers la chaine le long passage illuminé qui a du voir passer tellement de gens. On entendrait presque Dalida rire et Oum Kalthoum tonner.Comment peux tu laisser le Grand théatre sombrer dans l'oubli? Vont-ils transformer ce patrimoine en restaurant bar boite de buit?
J'ai vu la statue de Ryad el solh et je me suis demandée pourquoi mon Dieu a t-on accordé la nationalité libanaise à Walid Ben Talal son petit fils par sa fille et on ne l'accordera pas à mon fils ou fille s'ils naissent de père étranger?
Pouquoi n'a t-on nationalisé que les kurdes qui devaient voter Michel el Murr il y a une dizaine d'années et Walid Ben Talal l'archi milliardaire saoudien de père et d'éducation???? Pourquoi?
Pourquoi les rues étaient-elles si propres???? Pourquoi n'y avait-il pas des mégots par terre? mais alors aussi, pourquoi le seul coin de vestige archéologique était-il devenu une poubelle??? Est ce parce que les visiteurs du centre ville ne regardent jamais en bas ni en arrière? Alors, comment avancent-ils???? On a tous besoin d'un rétroviseur pour arriver à destination n'est ce pas? J'ai mangé une glace et j'ai acheté des cartes postales. je me suis poudrée le bout du nez et mis du noir autour de mes yeux, puis j'ai pris la voiture, cheveux au vent, fenetres aux éclats, tout feux dehors et tout flammes dedans et je suis allée rejoindre mes amis pour attiser la nuit, l'enflammer, et l'oublier au bord du matin, grise en cendres, fatiguée mais si intensément cathartique.

Journal de Bord Liban. Le chat


meow? Noir sur les toits de la nuit.

Journal de Bord Liban. Les trois colombes



A part dans les mariages, je n'avais jamais vu des colombes toutes blanches dans les rues libanaises. Et pourtant elles étaient là, trois à se promener tranquillement sur le trottoir devant ma maison. L'une derrière l'autre. puis elles ont pris leur envol, sous mes yeux ébahis, tranquillement, en se promenant dans le ciel, en faisant des rondes puis en disparaissant dans le jardin du couvent de Notre Dame du puits.

Journal de Bord Liban. L'histoire de la bougie


La bougie libanaise a une histoire unique, propre à elle même. Elle se renouvelle continuellement sous toutes les formes possibles et ne subit jamais les avancées du temps. La bougie libanaise a illuminé nos nuits de guerre, guidé nos lecture, ornementé nos gâteaux d'anniversaires. Elle a accompagné les prières de nos mamans et aujourd'hui, lorsque l'état libanais n'assure pas l'électricité à son peuple 24h sur 24 et lorsque les particuliers ne veulent pas distribuer le courant de leurs moteurs de particuliers plus tard qu'une certaine heure de la nuit, la maman libanaise laisse une bougie allumée dans l'escalier, et une devant la porte d'entrée du foyer et une dans le couloir de la maison pour guider ses grands enfants rentrés tard très tard la nuit de la folie des soirées libanaises, pour pas qu'ils se fassent mal, pour pas qu'ils trébuchent dans l'escalier et pour qu'ils arrivent sains et saufs dans leur lit, cuver leurs reves et décuver de leur nuit.

Journal de Bord Liban. Jour 15: 05 Aout























French night à gemayzeh. French comme les français n'en font plus. French au point de faire danser les gens sur les rythmes un peu ridicules, un peu enfantins de "la danse des canards". French au point d'oublier le French et puis si On crie Aline Aline pour qu'elle revienne et qu'elle ne revienne pas nous on s'en fout et on danse quand meme.

Journal de Bord Liban. Folles les décalées du Liban



















Pef est folle. Elle est haute en couleur. Elle est francophone. Elle est décalée. Elle est comme moi, amoureuse d'un pays mais incompatible avec son quotidien. Elle est une mer. Elle rit et je ris avec et on entraine les autres dans nos rires différents. Elle porte déjà 10 ans de nos souvenirs de fac, comme moi, comme Marianne et Rachel et Ramy et Chadi et Edo et tous ces gens qui 10 ans plus tard on se retrouve encore et puis on rit et on remarque que sur nos airs d'adultes les fous dansent toujours.

Journal de Bord Liban. Foo Fou furieux...




























"Foo Fou furieux s'est glissé un peu tendancieux doux" Foo Fou furieux comme un ciel noir de peau et le coeur au ras des couleurs, Foo comme un trou qui s'élargit et se consume et s'écrit en jeux de doigts sur des notes tournoyantes et excitées, faisant danser les inconnus et rever sa folie de Foo Foo fou furieux...

jeudi, août 14, 2008

Journal de Bord Liban. Jour 6: 27 juillet























Les vigiles à l’entrée ne voulaient pas qu’on fasse entrer avec nous eau et nourriture. Ni même un chewing gum ont-ils dit. En bons libanais, nous râlâmes tous et notre mécontentement se répercuta sur toute la file d’attente. « L’eau au moins l’eau ! C’est quoi cet ordre de polichinelle ?? C’est qui qui a donné l’ordre ?? Je vais me plaindre ! walaw ! Au moins l’eau ! »Subitement l’ordre d’en haut changea et les bouteilles d’eau eurent la permission de pénétrer dans le centre ville. Le miracle libanais eut lieu, et munis de nos bouteilles d’eau gagnées à la sueur de nos cris, bracelets fluorescents aux poignets nous voici à l’intérieur. L’audience était de tout âge. Mika lui aussi en bon libanais, n’a commencé son concert qu’une heure plus tard que prévu. En attendant le moment M, les gens discutaient tant bien que mal et derrière moi un couple remettait en cause la libanité de Mika. L’homme : « Franchement ces libanais si le mec a un demi quart de sang libanais qui coule dans ses veines, ils en font un libanais » la femme véhémente : « Mais non qu’est ce que tu en sais IL EST libanais par sa mère qui est libanaise !! » l’homme : « Ahhhh oui alors oui tu as raison mais hé écoute dans tous les cas, la femme libanaise ne donne pas la nationalité donc il est n’est pas libanais » et ils rirent. Ils rirent sans à aucun moment penser, peut être qu’ils viennent de mettre le doigt sur un point crucial de la condition de la femme libanaise. Sa condition en tant qu’individu égal à tous les autres. Même pas une histoire de féminisme, uniquement une histoire de droit. Et le point crucial se perdit dans les rires. Mika, comme pour infirmer les dires de ce monsieur se précipita sur scène et à peine la première chanson finit lança un grand marhaba « ana mabsout koun ma3kon el laylé » et passa la soirée à s’évertuer, chercher ses mots et finalement essayer de parler à son audience en libanais. Il s’est même excusé de ne pas le parler très bien. Aussi, vers la fin, alors que le cœur de toutes les tantes avaient fondu de tendresse pour ce garçon beau comme un éphèbe et aux manières enfantines, il dit en Français : « je sais que c’est le premier concert depuis deux ans alors grâce à vous aujourd’hui, la cité est à nous !!! » message politique ? Serait ce le libanais en lui qui subitement se réveilla ? N’en n’est-il pas plus qu’après avoir dit ceci, plusieurs drapeaux libanais s’élevèrent sous les cris hystériques des fans et s’élevèrent dans le ciel entre des mains crispés. Un rigolo de l’audience ne put résister à la tentation de demander un pneu pour couronner le tout: ya chabeb ! newlouna chi douleb !!!

Sacrés libanais!!!! la blague au bout de la langue, la musique au bout des doigts, la vie au bout de l'ame!!!! et puis tous ensemble: Relaaax take it eeaaaasyyyyy

Journal de Bord Liban. l'immeuble au nuage


Il avait l'air un peu suspendu et pourtant en dessous de lui s'affolait une foule fébrile. Et pourtant, qu'il était beau tout cassé regardant vers le ciel...;