Je les ai regardé tranquillement quitter la Place de la Sorbonne, traînant leurs godasses sur les paves mouillés et leur pensées tristes sur les nuages de leurs inquiétudes.
Ils se sont éloignés de moi et la Place a repris ses vraies couleurs, grises et statuaires.
Je suis alors rentrée, lui tournant le dos et j’ai traîné mon fidèle caddie bleu, qui aurait fait en 19 jours de militantisme plus de travail qu’en deux ans de courses.
La pluie parisienne infaillible, petite et stressante m’a chatouillée le visage. L’orage, par ici, n’est pas courageux.
J’ai longé les murs, j’ai frôlé les bâtiments, mon cœur lourd comme une pierre et mes larmes étanches.
Schubert a chuchoté un piano dans mes oreilles. Je suis Remedios-la-belle.
Mon pays aussi est en guerre. Je suis une douceur infinie sourde au monde, aveugle aux personnes, insensible aux bruits. Je ne connais pas cette autre. Son sourire m’est étranger, ses yeux pétillants me sont vides, son énergie à toute épreuve m’est mensongère. Je suis une douceur infinie et dans ma douceur infinie il n’y a pas de place pour le Hezbollah, ni pour Olmert ni pour les états guerriers et sanglants. Ma douceur infinie n’est habitée que par des gens infinis. Parfois ils ont des rides joyeuses aux yeux et un sourire brun qui enveloppe l’étendue de tous ceux qui crient et m’arrive comme un rêve insaisissable.
Mon pays aussi est en guerre. Pour ma part, ce ne sont pas cent ans, mais plus que mille ans de solitude concentrés en 26 ans de vie.
Dona Nobis Pachem